Étude sur les jeunes sans-abri

Traumatisés dès l’enfance, intimidés à l’école

Ils sont souvent adolescents, ils ont généralement été victimes d’actes de violence dès l’enfance et ils vivent dans la rue. Une première étude réalisée dans l’ensemble du Canada par l’Observatoire canadien sur l’itinérance brosse un portrait inédit de ces jeunes, qui représentent un sans-abri sur cinq au pays. Voici quatre chiffres pour expliquer cette étude, réalisée auprès d’un millier de jeunes sans-abri.

Étude sur l’itinérance

35 000

C’est le nombre de jeunes, âgés de 13 à 24 ans, qui vivent une situation d’itinérance au Canada au cours d’une année. Ils représentent un sans-abri sur cinq au pays. Quelque 40 % d’entre eux ont vécu leur premier épisode d’itinérance avant l’âge de 16 ans. « Plus les jeunes quittent le domicile familial à un âge précoce, plus ils connaissent d’adversité dans la rue », notent les auteurs de l’étude. Avant de se retrouver définitivement à la rue, les trois quarts des jeunes répondants ont vécu plusieurs épisodes d’itinérance. « C’est sidérant qu’autant de jeunes se retrouvent à la rue, dit la directrice générale de l’organisme montréalais Dans la rue, Cécile Arbaud, qui a contribué à l’étude. Mais pour nous, ce n’est pas surprenant. Ces chiffres représentent vraiment notre réalité. »

Étude sur l’itinérance

57 %

C’est la proportion de jeunes répondants qui a été prise en charge par les services de protection de l’enfance, comme la Direction de la protection de la jeunesse au Québec. En moyenne, ces jeunes ont commencé à recevoir des services alors qu’ils avaient à peine 8 ans. Un tiers d’entre eux ont reçu des services avant 6 ans. Les organismes comme Dans la rue constatent cette réalité au quotidien. « Oui, c’est questionnant. Lâcher les jeunes à 18 ans avec peu de soutien, ça rend les choses très difficiles. Mais on travaille avec les services sociaux là-dessus. Ils sont en mouvement sur cette question », estime Mme Arbaud. Les deux tiers des jeunes répondants à l’étude disent avoir vécu des mauvais traitements durant l’enfance. La moitié a subi de la violence sexuelle.

Étude sur l’itinérance

83 %

C’est le pourcentage « frappant » de jeunes de la rue qui disent avoir été victimes d’intimidation à l’école, et à de nombreuses reprises dans près de la moitié des cas. Des jeunes répondants à l’étude, la moitié dit avoir passé des tests pour les troubles d’apprentissage alors qu’ils fréquentaient encore l’école. « Cela indique que le personnel perçoit les souffrances de ces jeunes d’une façon ou d’une autre », notent les auteurs de l’étude. On peut évidemment comprendre que leur scolarité n’a pas été une période agréable de leur vie : 53 % des jeunes sans-abri sont des décrocheurs. Note d’espoir, les trois quarts d’entre eux disent vouloir retourner sur les bancs d’école.

Étude sur l’itinérance

54 %

C’est la proportion de jeunes sans-abri interrogés qui étaient sans domicile fixe depuis un an ou plus. La moitié de ces sans-abri chroniques était dans la rue depuis plus de trois ans. Fait à noter, un jeune sans-abri sur trois est d’origine autochtone. Dans la rue, les jeunes vivent des situations extrêmement difficiles : plus des deux tiers d’entre eux ont été victimes d’un crime et un très fort pourcentage – 85 % – a déclaré avoir des symptômes de détresse élevés. Plus de 40 % des répondants ont rapporté avoir fait au moins une tentative de suicide. « La vie instable dans la rue amplifie les problèmes de santé mentale. Pour sortir de l’itinérance, il faut surmonter tout cela et c’est majeur », note Mme Arbaud.

Étude sur l’itinérance

Et les solutions ?

Objectif numéro un : la prévention. Dans les familles et à l’école, il faut mettre en place des programmes qui dépistent les jeunes à risque et préviennent la fugue, souvent un comportement précurseur de l’itinérance. Mais une fois le jeune dans la rue, il faut prioriser le logement et permettre le « raccrochage » scolaire. « Quand ils arrivent chez nous, ils sont déjà en situation d’itinérance. On essaie de les en sortir avant que la spirale de la détresse s’installe », dit Cécile Arbaud. La prise en charge sur le plan de la santé mentale est fondamentale, ajoute-t-elle. L’organisme Dans la rue a d’ailleurs lancé tout récemment un nouveau programme qui facilite l’accès aux soins psychologiques et psychiatriques pour sa clientèle.

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